Oui, je sais bien d’où je viens !
Inassouvi, comme la flamme,
J’arde pour me consumer.
Ce que je tiens devient lumière,
Charbon ce que je délaisse :
Car je suis flamme assurément !
Friedrich Nietzsche – Ecce Homo in Le Gai Savoir
Nous avons développé, par l’étude et la pratique, un certain nombre de rites et célébrations, destinés à rattacher nos membres au sacré et à leur faire revivre de grands moments mythologiques.
On pourrait définir le rite comme un ensemble de pratiques et coutumes traditionnelles, au caractère symbolique et sacré ; le terme est issu du latin ritus désignant tout autant une cérémonie qu’un usage, lui-même dérivé du PIE *h₂er– « adapter, réparer, assembler ». La cérémonie désigne plus spécifiquement un rite inscrit dans le temps avec une organisation codifiée et faisant intervenir des « acteurs » et participants avec des rôles définis par des règles (le mariage avec des tenues spécifiques pour les mariés, la remise d’anneaux, le baiser, le changement de nom, etc). On retrouve la cérémonie ou le rite dans toute société, qu’elle soit athée ou qu’elle professe une religion officielle : il existe ainsi des mariages civils au sein de la République Française, tout comme des mariages religieux dans les sociétés chrétiennes par exemple. Fêter la réussite d’un diplôme, le départ à la retraite, pendre une crémaillère ou organiser un anniversaire sont autant de pratiques rituelles qui n’ont pas de fond religieux en soi.
1 – Nos fêtes
Nous avons 8 fêtes principales, basées sur l’analogie avec la Nature et sur un parallèle avec la vie humaine ; elles sont toutes issues de célébrations païennes indo-européennes (greco-latines, indo-iraniennes, slaves, celtes, germaniques etc) qui ont été réadaptées pour coïncider avec un symbolisme général. Les fêtes sont des cérémonies informelles qui peuvent se passer en famille ou collectivement (si elles sont organisées par un sacerdote), et auquel tout européen peut participer même s’il n’est pas membre ; à l’image des fêtes du solstice d’hiver, l’accent est mis sur la convivialité. On y raconte les mythes et légendes correspondantes, et les sacerdotes peuvent alors donner un enseignement.

1 – L’Equinoxe de printemps
Aux alentours du 21 mars, nous fêtons notre nouvel an, à l’image des indo-iraniens. L’équinoxe de printemps est à l’année ce que l’aurore est à la journée ; on y fête le renouveau de la nature et le recommencement des campagnes militaires. Le jour est égal à la nuit, et les journées vont commencer à se rallonger. Quelques jours avant l’équinoxe, on réalise le ménage de printemps, et le jour même on fait peindre et chasser les œufs aux enfants. Les symboles sont ceux de la déesse de l’Aurore Ausōs : l’œuf, symbole de vie et de renouveau (qui évoque aussi le bourgeon), le lapin, qui quitte son terrier nocturne pour sortir à la lumière, et la poule et le coq, ce dernier chantant à l’aurore. On y fête aussi le Dieu de la guerre Pérqūnos et ses symboles : l’aigle, chasseur et roi des airs, et le chêne, réputé attirer la foudre, et l’on peut organiser des jeux rappelant les combats mythiques aves ses enfants ; on y récite des poèmes et on y raconte des épopées guerrières. On peut la mettre en parallèle de la Norouz perse, de la Holi indienne, de la nuit de Walpurgis, ou de l’Eostre vielle-anglaise (au moins symboliquement) par exemple.
2 – La fête de la floraison
Lors du premier quartier de lune de mai, nous fêtons la floraison et la puberté. On dresse un arbre de mai recouvert de rubans et de fleurs, autour duquel les jeunes hommes et femmes célibataires dansent. Le symbolisme de l’arbre de mai est complexe : on peut le voir comme un avatar de l’Arbre-monde (ou Axis Mundi), comme une représentation sexuelle où la ronde représente l’étreinte du kteis autour du phallus… La fertilité est la base de la cérémonie et les jeunes couples partagent des coupes d’alcool ensemble. Les jeunes gens s’adonnent à des jeux de force et de courage pour impressionner les jeunes filles, et ces dernières dansent et chantent.
Les décorations sont multicolores et florales, liées aux végétaux qui fleurissent lors de la saison.
On peut la rapprocher du Beltaine celte par exemple (voire de la Krasnaya Gorka slave si son origine est authentique).
3 -Le Solstice d’été
Il a lieu aux alentours du 21 juin ; le solstice d’été est à l’année ce que midi est à la journée. C’est le jour le plus long de l’année. On y fête l’apogée de Diwī́ la Déesse du jour et son mariage avec Amsus le Dieu de la nuit.
On fait donc des roues de feu et des buchers, on festoie en l’honneur des mariés et de leur nouveau foyer ; les jeunes mariés sautent au dessus du feu pour apporter chance et abondance à leur union.
Les symboles sont ceux de la Déesse du soleil et du jour : les abeilles et leur système monarchique, les félins, qui sont à la fois guerriers et jouisseurs, féminins et dominants.
On peut citer la Līþa vielle-anglaise, le Midsummer scandinave, la Kupala slave, les célébrations de la Saint-Jean…
4 – La fête des jeux
Ayant lieu lors de la première pleine lune du mois d’Août, cette fête symbolise l’arrivée des enfants après le mariage, et la vie de famille. On y organise des jeux, tournois, reconstitutions historiques et jeux de rôles ; on y rend hommage à la jeunesse des Dieux.
On peut la mettre en parallèle de la Lugnasad celte par exemple, et généralement des grandes vacances, tournois et festivals européens classiques en été.
Cette fête entame une période de plusieurs jours, où ont lieux des compétitions sportives, des reconstitutions historiques, des festivals de musique… Toutes les formes sont permises, tant que l’esprit est bon enfant et qu’il permet la réjouissance.
5 – L’Equinoxe d’automne
Il a lieu aux alentours du 21 septembre ; contrepartie de l’équinoxe de printemps, il est le crépuscule de l’année. On y fête principalement la Déesse-Terre Pl̥təwī et le fruit des dernières récoltes, notamment les vendanges ; on célèbre l’accomplissement personnel et les fruits du travail. On boit le « vin nouveau qui soigne le mal ancien, et le vin ancien qui soigne le mal nouveau » (cf les Meditrinalia romaines) ; l’ambiance est à l’hédonisme et à la bonne chère. Les symboles de la déesse sont mis en avant : la génisse, nourricière et maternelle, la vigne et les alcools en général, qui donnent la joie de vivre et proviennent du travail de la terre ; c’est le moment des grands banquets gastronomiques, des repas familiaux et amicaux.
Une corne d’abondance peut être mise sur la table ; tout doit respirer la générosité, la gastronomie, le plaisir de la table, la joie de vivre.
6 – La fête du cheval
Contrepartie de la fête des fleurs, la fête du cheval est une cérémonie se tenant lors du dernier quartier de lune de novembre. Elle symbolise la prise de retraite et l’arrêt du travail ; un cheval (ou une idole de forme équine) est aspergé d’eau puis est sacrifié en l’honneur du nouveau roi après avoir erré un an (comme lors de l’Ashvamedha védique). Il symbolise tout autant la prise de pouvoir du nouveau monarque que la retraite de l’ancien. Le cheval est également le symbole des frères jumeaux d’Ausōs qui vont chercher leur sœur et ramener le beau temps. C’est aussi un bon moment pour réunir les 3 classes (d’où sa durée traditionnelle de 3 jours), les ancêtres et la société autour des questions politiques. On peut mettre en parallèle cette fête du possible Völsi blót ou des Vetrnætr scandinaves, de l’October equus latin, ou du Samhain/Samonios celte en tant que réunion des trois classes.
7- Le Solstice d’hiver
Aux environs du 21 décembre en fonction des années, le solstice est à l’année ce que minuit est à la journée : on y célèbre la nuit la plus longue. Il s’agit d’y fêter les aïeux et la naissance des petits-enfants des dieux. Etant la contrepartie du Solstice d’été, on y fête principalement le Dieu lunaire Amsus dont les symboles sont la grenouille, nocturne et habitant dans les marais et les zones chtoniennes, mais aussi les canins, chasseurs et fidèles, et notamment les loups hurlant à l’astre lunaire, ainsi que les bêtes cornues comme le bouc, le cerf, rappelant par leurs cornes et leurs bois tantôt le croissant lunaire, tantôt la végétation. On peut la comparer au Yule/Jól (ou la Mōdraniht) germanique, au Shab-e Yalda perse (voire au Lohri indien), au Koliada slave etc.
On y décore le sapin et les tables de flammes et des couleurs absentes à cause de l’hiver, on y donne des présents, et on raconte des histoires au coin du feu.
8 – La fête des morts
Lors de la lune noire de Février a lieu la contrepartie de la fête de l’enfantement : on y célèbre tous les morts et l’on raconte leurs hauts faits et leurs vies. On rend ainsi hommage aux deux anciens Sponā́ et Werunos, nos ancêtres ; leurs symboles sont respectivement la chouette et le rouet ainsi que la quenouille, et les corbeaux, le serpent et l’ours.
On peut mettre cette cérémonie en parallèle des fêtes latines de Parentalia, Feralia et Caristia, du Þorrablót scandinave, de l’Imbolc/Imbiuolcaia celte, du mois de Solmōnaþ viel-anglais, voire de la célébration indienne de Pongal entre autres. Le jour même, on consomme des galettes de sarrasin et des crêpes sucrées, symboles de la lune noire et du renouveau du soleil qui approche ; le lait, consommé sous formes de crêpes ou tel quel, symbolise le renouveau.
Cette fête entame une période allant jusqu’à l’équinoxe et que l’on peut appeler « la chasse sauvage » : il s’agit d’un temps de folie et de mascarades, de farces et de célébrations. Cette période réputée hors du temps, symbolise le mystère de la mort et de l’enfantement. Les rires et l’alcool doivent exorciser la peur de la mort comme dans les Lupercales (ou en un sens les Saturnales) par exemple. On peut manger une galette des rois, qui, bien qu’étant une tradition plus récente, repose sur l’inversion traditionnelle des fonctions sociales de ce temps de fêtes.
2 – Les 3 cérémonies de la vie
On peut isoler 3 moments forts au sein de la vie humaine : la naissance, le mariage et la mort. En reprenant la classique image indo-européenne des couleurs du ciel, noir pour la nuit, rouge pour l’aurore, et blanc pour le jour, on peut facilement associer les trois cérémonies avec ce symbolisme : tandis que la naissance correspond au jour, et que la mort est liée à la nuit, le mariage peut être rattaché à la couleur rouge de l’aurore. Cela semble d’autant plus logique que le blanc est associé à la pureté et à la jeunesse, le rouge à l’amour et au sang, et le noir à la mort. Il faut préciser ici que le symbole comme le rituel doivent servir l’homme et non le soumettre : ils n’ont pour but que d’assurer le bonheur et l’émerveillement par la connexion au sacré. Les cérémonies doivent se plier aux aléas et modalités du réel et non l’inverse. Il y a donc :

1) La cérémonie de l’accueil de l’enfant, officiée par les parents de l’enfant. Il s’agit de présenter l’enfant, après son premier bain, à la famille et aux proches. A cette occasion, le père donne un prénom à l’enfant et l’intègre dans la famille et dans le clan. Aux eaux de la naissance, naturelles, succèdent les eaux de la lustration, liées à l’intégration dans la civilisation humaine.
2) La cérémonie de mariage est officiée par les mariés eux-mêmes, en présence de leur famille et proches. Il s’agit pour les époux de se jurer fidélité et assistance, et d’ériger leur foyer devant les leurs. Le symbolisme est celui de la coupe et du banquet : le couple montre qu’ils mêlent leur sang et convient leurs proches à leur premier repas de famille.
3) La cérémonie des obsèques est officiée par les enfants du défunt. L’accent est mis sur l’accompagnement psychique et symbolique, pour la famille, les proches et la cité, du deuil et de l’absence du mort.
La cérémonie de la puberté est quant à elle à part : fêtée aux premières règles pour les filles, et vers 14 ans (en fonction de la maturité) chez les garçons, elle est réservée aux enfants des membres du collège initiatique. En effet, cette cérémonie, pourtant traditionnelle chez les Indo-Européens, n’étant plus pratiquée, il nous semblait logique qu’elle soit réservée à ceux qui sont déjà intégrés dans une démarche religieuse traditionnelle. Par cette fête, le jeune est intégré dans un groupe inspiré du scoutisme ; s’il le demande, il sera par la suite reçu comme Novice au sein du Collège initiatique à sa majorité.
3 – L’initiation et le sacerdoce
Avant de parler d’initiation, nous devons d’abord définir quelques concepts.
Le rite de passage permet de lier en premier lieu l’individu à sa communauté et de lui donner une place, tout en maintenant la cohésion du groupe ; il permet aussi de structurer la vie de la personne selon des étapes précises et l’aide à comprendre sa place dans le monde en tant qu’humain, ainsi que sa mortalité. Le rite initiatique est un type particulier de rite de passage : tandis que le rite de passage est lié à une étape particulière de la vie d’un individu (la naissance, la puberté, le mariage, la mort), l’initiation permet avant tout la transformation de la personne et son adhésion à un groupe.
Le terme « initiation » provient du latin initiātiō issu de initio « commencer » et évoque tout autant l’idée de commencement, que d’intégration au sein d’un groupe. L’initiation est ainsi un apprentissage de la vie qui permet d’intégrer son rôle au sein de la société ; mais elle est plus que cela. Comme son sens l’indique, elle n’a pas de fin : l’initiation permet le renouvellement permanent de l’être, et son dépassement. C’est une mystagogie : il s’agit d’apprendre les Mystères religieux, et ce faisant, de lever le voile sur certains secrets que recèle l’existence et le réel. L’initié vit en quelque sorte dans un « autre monde ».
Enfin, l’Initiation est le procédé par lequel l’on accède au Sacerdoce, et donc il demande une discipline que seul un appel intérieur permet d’avoir.

Je fus la cause de moi-même, là où je me voulus moi-même et je ne fus rien d’autre. Je fus ce que je voulus, et ce que je voulus, ce fut moi.
Maître Eckhart – cité par Alain de Benoist dans Les idées à l’endroit.
Au sein de notre Ordre, notre but est de détruire les croyances, les dogmes et idéologies mortifères, et nous opposer aux sectes et gourous aliénants en sublimant les techniques religieuses pour élever l’homme et non pour l’asservir. Nous n’obligeons ainsi personne à entamer un itinéraire initiatique, ni à professer une quelconque croyance : notre initiation s’appuie sur une démarche et non sur un dogme. Elle suit notre code de déontologie.
Nous proposons à ceux qui souhaitent recevoir le sacerdoce une initiation en plusieurs étapes dans une forme spécifiquement féminine et une autre spécifiquement masculine. Précisons ici qu’il y a deux statuts dans notre Ordre : celui de sympathisant ou laïc, et celui de membre ou initié. Personne n’est tenu de suivre un cursus initiatique car il s’agit d’une démarche individuelle ; aussi un sympathisant peut-il choisir de simplement participer aux fêtes s’il en a envie. Notre Ordre n’impose aucune obligation à ses membres et même les pratiques liées à l’Initiation forment une autodiscipline que se donne à lui-même l’initié.
Les Trois Sacerdoces
Par l’Initiation un membre accède à l’une des trois voies sacerdotales en fonction de sa Nature ; ces trois types de mystiques ne représentent que trois formes d’un tout. Aucune n’est « supérieure » à une autre, et chacune représente la totalité du Mystère initiatique, présenté sous un jour adapté aux caractéristiques propres de l’individu.
La langue sacrée de notre groupe est l’Indo-Européen Moderne : nous engageons néanmoins nos membres à utiliser leur langue maternelle pour désigner les Dieux, et en général les termes religieux dans la vie de tous les jours. Etant Français il nous semblait donc logique d’utiliser des termes d’origine grecque, cette langue étant à la base de nombreux termes religieux, scientifiques et philosophiques.
Nous réutilisons ici ces noms pour définir trois sacerdoces à l’image de ceux des celtes ou des indo-iraniens (avec le brāhmaṇa qui pense, l‘udgātar qui chante et l’adhvaryu qui fait) par exemple.
Les Hiérophantes : voie sacerdotale philosophique
Du grec ἱεροφάντης « qui montre le sacré », désigne celui qui explique les mystères sacrés.
Il s’agit d’une voie philosophique et royale, adaptée aux scientifiques, penseurs et dirigeants. L’Hiérophante tente de comprendre intimement le réel et d’en développer une mystique très pure et directe. Le but est de tenter de dominer sa personne, et d’appréhender les règles universelles pour tenter de remodeler le monde selon notre vouloir.
Les Hiérophantes s’attèlent à la description du Réel, à la rédaction de textes philosophiques et au développement de techniques mystiques ; ils s’occupent de l’interprétation des mythes, de la création des rites, et sont à l’origine de leur mise en place.
Les Hiéophules : voie sacerdotale héroïque
Du grec ἱεροφύλαξ « gardien du sacré », désigne à l’origine un protecteur du temple.
Sacerdoce rouge et pratiqué par les militaires et poètes, l’Hiérophulat est axé sur une mystique sponsale et guerrière (ou chevaleresque, prenant la forme traditionnelle du Männerbund ou du Kóryos) : il y est question du combat permanent contre les vices, de la pratique des vertus, et de l’union à sa moitié tant concrète (son époux/épouse) que spirituelle. Le but est de combattre le chaos et d’apporter l’harmonie et l’ordre dans l’univers.
Les Hiérophules sont responsables tout autant de la protection des membres que de la créations de chants et textes sacrés ; les plus talentueux seront à l’origine de nouvelles versions des Mythes, à l’image d’Ovide ou Homère. Les rites théâtraux et initiatiques sont leur domaine de prédilection, et ils y jouent des personnages divins.
Les Hiérurges : voie sacerdotale créatrice
Du grec ἱερουργός « travailleur sacré », désigne à l’origine un sanctificateur (cf démiurge, Hiérurgie)
Il s’agit du sacerdoce noir, réservé aux artisans, paysans, commerçants ; l’accent est mis sur le Grand Œuvre, soit l’utilisation de l’art pratiqué (forge, taillage de pierre etc) à des fins spirituelles. Ainsi la matière brute devient une image de l’initié qui tend à la travailler pour en faire un chef-d’œuvre. Le sacerdote raffine ainsi sa personne, tant physiquement que spirituellement ; le but est de rendre fertile et bénéfique le monde pour que les nôtres puissent en jouir.
Les Hiérurges sont responsables de la créations d’artefacts, regalias et temples ; ils cherchent à faire des chefs-d’œuvre qui leur survivront. Les fêtes de l’années sont sous leur patronage.
L’Initiation
Philosophiquement parlant, l’initiation équivaut à une mutation ontologique du régime existentiel. À la fin de ses épreuves, le néophyte jouit d’une tout autre existence qu’avant l’initiation : il est devenu un autre.
Mircéa Eliade – Initiation, rites, sociétés secrètes. Naissances mystiques. Essai sur quelques types d’initiation (1959), Paris, Gallimard, 1976, p. 12.
L’initiation sacerdotale
L’initiation principale que nous proposons est proprement sacerdotale : il s’agit pour l’impétrant d’accéder à une compréhension étendue de sa propre nature. Ce faisant il devient ce qu’il est censé être. L’Initiation Sacerdotale est ainsi la Science de l’Homme ; il s’agit d’apprendre par le truchement des symboles et le contact au sacré.

Même si nous ne pouvons pas donner de détails précis sur les épreuves initiatiques pour ne pas leur faire perdre leur valeur, on peut dresser un portait de la structure générale. Tandis que les fêtes de l’année sont très informelles, l’initiation fait appel à des rites théâtraux codifiés et précis. L’accent est mis sur l’expérience intime du sacré, l’expérimentation d’états mentaux particuliers (sans usage de drogue, ou de sévices physiques ou mentaux comme cela est précisé dans notre code de déontologie) ; on y rejoue les grands mythes fondateurs pour que les initiés en retirent des sens cachés au profane. Les formes des rites peuvent varier en fonction des individus, communautés ou écoles de pensée, mais le fond et le sens de ces derniers reste invariablement le même ; l’initiation est majoritairement acroamatique.
La base de la société étant pour nous la famille, une initiation ne se conçoit qu’en couple, du moins après l’apprentissage ; la base de tout progrès personnel et spirituel est ainsi le couple, toute connaissance religieuse se retrouvant dans la vie amoureuse et familiale. Il existe un Mystère profond dans la complémentarité du couple : nul ne peut ainsi se prévaloir d’un quelconque savoir spirituel s’il n’a pas réussi à trouver sa moitié. C’est ainsi que l’Initiation de chaque membre du couple se fait en parallèle, les deux trajectoires étant indissociables.
Précisons ici qu’il existe les petits et les grands mystères. Tandis que chacun est appelé aux petits mystères et qu’ils marquent l’entrée dans le sacerdoce, les grands mystères ne sont accessibles qu’à un petit nombre de personnes. Il ne s’agit pas de considérer qu’il y ait des membres supérieurs en nature à d’autres mais juste d’isoler les personnes dont la nature permet d’occuper des fonctions qui seraient inadaptées (tant pour leur bien-être personnel que pour la salubrité de l’ordre) à d’autres individus.
Si tes yeux sont vivants, si tes pieds sont libres, observe et avance. Nul n’est initié que par lui-même.
Auguste de Villiers de L’Isle-Adam – Axël (1890)
L’Admission
Il y a deux voies pour intégrer le collège initiatique :
- Lorsqu’il s’agit d’un enfant de membres eux-mêmes initiés, ce dernier est admis, au moment de la puberté mais aussi en fonction de sa maturité et s’il en exprime la volonté, au sein d’un groupe inspiré du scoutisme. Au moment de la majorité, si ses ainés sont d’accords et si la demande est réitérée, il est intégré directement au sein du Néophytat.
- Si la personne est extérieure au groupe ou est un enfant de parents non-initiés, alors elle doit, à la majorité, demander son intégration. On procède alors à une enquête : il s’agit d’une analyse de la personne lors des fêtes et réunions publiques. On regarde son comportement, sa motivation, son assiduité. Elle est reçue par des initiés et interrogée sur divers sujets.
Si elle est considérée comme digne de confiance et si elle répond à un certain nombre de critères (par exemple nous refusons le sacerdoce à toute personne de plus de 40 ans qui n’a jamais eu d’enfants), elle subit une année probatoire où elle s’astreint à la discipline journalière de son choix. Cela permet de jauger sa volonté. Elle a le droit de recommencer sa probation 3 fois en cas d’échec.
Voie masculine
La voie masculine est avant tout une mystique de l’action, des hauts faits. Il n’y est pas question d’intériorité mais d’extériorité. On reconnaît en effet un homme véritable en ceci qu’il voit le monde comme un réceptacle infini d’expériences, qui sont autant de voies lui permettant d’accéder à sa propre grandeur ; il ne disserte pas sur l’irréalité de l’univers, mais cherche, par les réactions qu’occasionnent en lui les aléas de la vie, à atteindre l’apothéose.
1) Le Néophytat
Après sa probation, le candidat passe par une mort rituelle. Celle-ci signe le début d’une sortie symbolique du monde, s’achevant par la réussite d’une épreuve de survie en solitaire. Il intègre alors un groupe de jeunes hommes et commence son apprentissage de la survie, du combat et de tout ce qu’un homme a besoin de connaître (que ce soit sur le plan culturel, du comportement, du physique etc). L’apprentissage a ainsi une fonction propédeutique par rapport aux grades supérieurs.
2) Le Sacerdoce
Petits Mystères
Une fois marié et après la naissance de son premier enfant (marquant les deux premiers rites qu’il officie) le candidat passe 4 épreuves puis se voit conférer son sacerdoce, subissant ainsi une renaissance symbolique.
Il reçoit un enseignement moral, symbolique, religieux et philosophique complet et très long auprès d’un ainé.
3) Le Pontificat
Grands Mystères
Les membres reconnus par leurs pairs comme ayant le type de personnalité le permettant sont, s’ils réussissent les épreuves qui leurs sont données, reçus au sein du collège dirigeant et acquièrent un titre et un prédicat. Le terme Pontificat renvoi au fait que l’initié agit comme un « pont » vers le sacré pour les autres membres.
Généralement cette charge est proposée à des hommes qui n’ont plus d’enfants à charge.
Voie féminine
La voie féminine est une mystique intérieure : de même que la femme peut porter la vie et que son univers est traditionnellement le foyer, elle a une spiritualité basée sur la recherche d’une connaissance intime de soi-même, et d’un enthousiasme, c’est-à-dire, d’une pénétration du divin en soi. C’est une forme de déification par la quête intérieure.
1) Le Néophytat
La candidate intègre un groupe de jeunes femmes qui reçoivent leur enseignement de sacerdotes plus âgées. Elles apprennent à se battre, à tenir un foyer ; on leur enseigne tout ce que de jeunes européennes doivent savoir (culture générale, bonnes manières, survie, sport etc). L’apprentissage a ainsi une fonction propédeutique par rapport aux grades supérieurs.
2) Le Sacerdoce
Petits Mystères
Une fois mariée et après l’accouchement, considérée comme une épreuve en soi (et en un sens comme la mort symbolique de la jeune fille et la naissance à la maternité), la jeune mère se voit intégrée dans le collège sacerdotal correspondant à sa nature, à la suite d’un temps de repos librement choisi.
Elle reçoit alors un enseignement moral, symbolique, ainsi que religieux et philosophique auprès d’une ainée.
3) Le Pontificat
Grands Mystères
Les initiées reconnues par leurs sœurs comme ayant le type de personnalité le permettant sont, si elles réussissent les épreuves qui leurs sont données, reçues au sein du collège dirigeant et acquièrent un titre et un prédicat. Généralement on propose cette dignité aux femmes ménopausées et de qui les enfants sont partis de la maison.

L‘Initiation solitaire : le Renoncement
Il existe une voie à part, qui n’est pas intégrée dans la structure initiatique de base. Ce chemin est réputé terrible. En effet, il y est question de devenir « in-liable ». Ainsi, le renonçant n’est plus lié par les limitations mondaines et peut donc vivre à loisir une vie mystique selon les formes qu’il décide : seul en tant qu’anachorète, en groupe à l’image du cénobite, cheminant comme un gyrovague ou prenant les atours d’un homme du commun. Tandis que l’Initiation sacerdotale entend faire de l’homme ce qu’il est censé être, le renoncement est un dépassement ontologique de l’état d’homme.
Il s’agit, comme les sannyāsin (ou les sādhu) indiens, les iourodivye russes etc. de pratiquer une Mystique assimilable à la Folle Sagesse : l’Initié, ayant atteint une forme particulière d’accomplissement, ne peut plus être lié par aucun Serment ni aucune norme sociale. Il incarne le dépassement de toute limitation, à l’image de Werunos ou Sponā́ par exemple. On pourra citer Diogène Laërce ou Apollonios de Tyane comme exemples historiques de cette idée.
Il convient ici de noter qu’il ne s’agit pas d’une initiation supérieure ou inférieure mais simplement différente : elle n’est pas sacerdotale, et ne permet donc pas d’accéder à la noblesse ou à une fonction hiérarchique. Elle est en un sens la sublimation des pensées religieuses reniant le monde : on peut dire grossièrement que l’impétrant dépasse ses illusions, non par haine de soi ou du monde, ou encore par préférence pour l’esprit plutôt que pour la matière mais par l’aspiration au chaos dont est issu le monde et où il retourne. Le Renonçant aspire au néant. Mais il n’est pas un ascète pour autant (même s’il peut en adopter les pratiques pendant une partie de son parcours), ou un pervers qui se cache derrière la justification de la folie ou de la mystique, bien au contraire. Il ne fuit pas le monde, mais refuse les lois de la cité, ses symboles, ses doctrines ; il renonce donc aux autres hommes, ainsi qu’à lui-même.
Pour vivre seul, il faut être une bête ou bien un Dieu dit Aristote. Il manque le troisième cas : il faut être l’un et l’autre, il faut être philosophe.
Friedrich Wilhelm Nietzsche – Le Crépuscule des idoles

Puisque le Renonçant doit être totalement libre des limitations humaines, il est du domaine du « Cercle extérieur » (cf les travaux sur la « quatrième fonction » de Alwyn et Brinley Ree, ou de N. Allen) : il réside dans l’extérieur de la Cité, à l’écart des Trois fonctions que la composent. La « Quatrième fonction » est ambivalente comme nous le rapportent Pierre et André Sauzeau dans La quatrième fonction : pour un élargissement du modèle dumézilien : d’un côté elle procède de ce qui est étranger, chaotique, des hors-castes et esclaves comme le Loki germanique. Mais elle est aussi liée au Mystère, au dépassement des limitations, à la Sagesse dans ce qu’elle a de fou, paradoxal et terrifiant, comme la figure d’Óðinn. On comprend d’autant plus cet aspect paradoxal par le fait qu’Óðinn et Loki soient « frères de sang » : il ne s’agit pas de dire que le paria étranger est nécessairement mystique, mais que parfois sous les atours d’un sans-abris se cache le Sage, et qu’à l’inverse on peut prendre pour un mystique un gourou prédateur au discours spécieux et aux atours attirants.
Cette mystique est donc nécessairement réservée à des profils précis : par exemple les femmes et hommes stériles, n’ayant pas d’enfant et pas de famille. En effet, il serait contraire à l’éthique de laisser un père ou une mère de famille se détacher de ses proches et de ses enfants, puisque cela reviendrait à les tuer symboliquement. Notre Religion considère que la famille est la base de la société, et se refuse donc à séparer les personnes de leurs proches comme le feraient des sectes : au contraire prônons-nous la réconciliation quand elle est possible.
Le Renonçant doit devenir un Sage et non un Décepteur ; son appel doit être pur et en syntonie avec les réalités intrinsèques à son identité. Le candidat doit ainsi passer par différentes étapes, avant de prendre des vœux partiels et de vivre une vie proche du monachisme (dénué de ses aspects encratiques et malsains). Après des années de service, de pratique religieuse, et d’apprentissage, le candidat peut décider de prendre ses vœux définitifs aboutissant, s’il en est capable, à l’état de Renonçant.
[…] j’écoute la quiétude profonde et pétrifiée du canyon.
Edward Abbey -Nature Writing (p. 247)
Nul vent,
nul souffle,
nul oiseau,
nulle eau vive,
nul bruit d’aucune sorte hors ma propre respiration.
Seul dans le silence je comprends un instant la terreur que le désert primal suscite chez de nombreuses personnes, la peur inconsciente qui les force à dompter, altérer ou détruire ce qu’elles ne peuvent comprendre, à réduire le sauvage et le pré-humain pour lui donner taille humaine.
Tout plutôt que d’affronter de face l’ante-humain, l’autre monde qui ne terrifie pas par son danger ou son hostilité mais par quelque chose de bien pire : son implacable indifférence.